Voyager à 76 ans !
Voilà déjà 10 ans que j’ai commencé mon carnet de voyage et qu’au final je suis passée d’une introduction à mille réflexions, de Genève à L’Afrique en passant par Le Québec et La Gwadloup, pour finalement prendre une grande pause qui semblait déboucher sur un cul-de-sac ne menant nulle part.
Ainsi va la vie et comme « voyager, c’est vivre » ou si vous préférez Vivre est un voyage qui commence dès notre premier cri jusqu’à notre dernier souffle.
Nous ne cessons d’avancer sur de longues routes, entrecoupées de chemins escarpés par monts et forêts, de ruisseaux en fleuves se jetant dans la mer, et si un jour, il y a bien longtemps j’ai traversé le Sahara, aujourd’hui je m’apprête à rejoindre un archipel qui a pris mon cœur, raison pour laquelle je reprends ma plume aujourd’hui.
Et oui… la Gwadloup (!) Terre des ancêtres de mon mari, devenue ma terre adoptive qui a pris place dans mon cœur, voilà 34 ans !
Une question se pose :
Cœur partagé – cœur divisé – cœur coupé en deux ?
Bien maline si j’arrive à y répondre, mais je vais essayer quand même ! L’analyste qui saura y répondre est bienvenu ! Avis aux amateurs, j’examinerai de près et avec plaisir toutes propositions honnêtes et bienveillantes.
Personnellement, je ne me sens ni divisée, ni coupée en deux. Peut-être que l’explication se trouve dans le fait que j’ai commencé ma vie d’adulte (à 19 ans) à plus de 8000 km de « mon chez moi », à une époque où les correspondances se résumaient à des « lettres par avion » qui pouvaient arriver à destination en une semaine comme en un mois. J’ai laissé les personnes que j’aimais le plus au monde, à savoir mes parents, mes sœurs, mes neveux et des amis très chers.
Déchirée (?), oui c’est certain.
C’est le sentiment qui demeure encore aujourd’hui, déchirée entre deux continents, deux passions, deux sociétés, deux modes de vie, deux familles, donc deux appartenances !
La réponse est peut-être là.
Déchirée, oui, du fait du sentiment d’appartenance à deux sources vives qui ont balisés ma vie. Je me coupe en deux, comme si « j’étais deux » depuis ma jeunesse, me sentant totalement africaine jusqu’à ce jour et cela n’a pas changé !
J’aime dire, ma peau est blanche comme une crotte de laitier, et mon cœur est profondément teinté de toutes les couleurs africaines !
Je devrais parler de mon cœur coupé en trois, mais en réalité, en Gwadloup, « je suis en Afrique » ! Il m’est arrivé de choquer mes proches parents et amis gwadloupéens quand je le leur dit, mais je remarque depuis quelques mois. Peut-être que ce qui se passe entre l’Afrique et le continent amérindien a créé ce sentiment d’appartenance africaine à quelques Antillais (?) et ce n’est pas moi qui vais leur démentir cette réalité,
car oui TOUT en Gwadloup « sent » l’Afrique !
Non seulement les épices, les accents et les couleurs de peau, mais le rythme des journées, lever tôt, coucher tôt, 12h de jour 12h de nuit à peine nuancées dans l’année; du climat constant du 1er janvier au 31 décembre avec à peine plus d’une dizaine de degrés de différence oscillant entre 20° et 30° dans l’année; la constance de l’humeur, quoiqu’il arrive, envers et contre toutes leurs souffrances, ils n’en demeurent pas moins sociaux, disponibles, rieurs, et oui Messieurs et Mesdames, vous les gens bien-comme-il-faut, ils sont bruyants, car vivants. Ils ne font pas que rire en mettant leurs mains devant la bouche pour ne pas être trop entendus, mais ils éclatent de rire et communiquent la vie ! Les klaxons de salutations se mêlent au cris des coqs qui eux aussi chantent toute la journée. Certes, de bonnes prises de têtes ont lieu, on se chamaille, on se dispute et on ne se dit pas toujours tout, mais ça suffit et ça soulage, et quand ils ont tourné le dos, ça va peut-être continuer à gesticuler et exprimer sa mauvaise humeur, mais cela ne prendra pas plus de 10 minutes avant de retrouver « leurs dents toutes dehors », selon l’expression favorite retenue cette année, sourire de toutes leurs dents, sans se laisser voler la joie à cause d’une dispute (!)
Et puis, fort heureusement les Antillais ne sont pas parfaits mais la différence avec le monde des blancs : ils le savent ! Ils ne se prennent pas pour ce qu’ils ne sont pas !
Aujourd’hui il leur manque peut-être qu’une chose : être fiers de ce qu’ils sont, de QUI ils sont, d’où ils sont partis et jusqu’où ils sont arrivés ! Voilà c’est dit, vous l’avez compris : je les aime comme ils sont et je n’attends pas qu’ils changent pour devenir comme moi !
J’ai beaucoup plus appris en quelques années en Afrique, loin de ce que les blancs appellent la civilisation, mais proche de ce que j’appelle la vraie vie ! Ma maman biologique m’a appris beaucoup, mais une chose en particulier, dont elle me parlait avec une lumière particulière dans ses yeux :
l’intérêt et l’amour de « l’ailleurs »,
elle m’a certainement transmis génétiquement sa passion pour « l’ailleurs ». Ma maman africaine m’a appris également beaucoup de choses, en très peu de mots, juste en la suivant dans son quotidien, en la laissant m’instruire d’un regard, d’un geste ou d’une phrase accompagnée d’un acte et avec elle j’ai compris ce qui ne se trouvait dans aucun livre, ni transmis dans aucune école, quelque chose qui ne se transcrit pas comme on transcrit le français en créole pour l’écrire, mais peut-être bien ce « quelque chose » que seul le ton de la voix et l’accent, sont capables d’exprimer ce qui ne se dit pas, mais ce qui se cache entre chaque lettre !
Ahhh comme j’aime ça !!!
Et, précisément, quand je suis en Gwadloup, mon plus grand bonheur est de les entendre parler en créole, c’est exactement la même musique que le « parler africain » tel on l’entend d’Est en Ouest, du Nord au Sud et je ne pense pas exagérer !
TOUT le continent africain possède cette même « musique » dans leur parler !
Et c’est en écrivant ces lignes, sans savoir ce que j’allais écrire, c’est en cet instant précis que je réalise que la Gwadloup a la même voix que mes amis du Tchad au Burkina Faso en passant par le Cameroun, l’Angola ou la Guinée Bissau, les « francisés, anglisés ou portuguisés » :
Ils ont le même parler, le même rythme, le même ton, la même « puissance de vie » qui sort de leurs êtres intérieurs !
Et voilà que Martine s’emballe et s’éloigne du sujet, ce n’est pas pour rien que mon surnom est Tartine ! Mais finalement, non je ne suis pas si loin que ça de mon sujet qui consiste à évoquer ma situation actuelle de vieille dame de 76 ans qui s’apprête à traverser l’Atlantique, non pas seulement pour y passer l’hiver au chaud, en logeant ici ou là, mais pour y préparer notre future installation qui pourrait être définitive », même si j’ai été largement payée au cours de ma vie pour savoir que rien n’est jamais définitif, en particulier avec moi, mais à savoir que cette fois, on pourrait titrer ce chapitre de ma vie :
« Martine an kaz creyol ay » –
« Martine dans sa maison créole »
Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui ! Et oui, nous avons fait l’acquisition d’une petite maison, vieille de 45 ans, toute simple, à rafraîchir, avec un tout petit jardin, juste ce qu’il fallait à deux septantenaires fatigués, de retour au pays pour Henry et de retour aux sources colorées de Martine ! C’est ainsi que je pourrai certainement revenir compléter mon carnet de route laissé de côté depuis bien longtemps !
Mais avant d’essayer de décrire mon île, ce soir, j’aimerais partager avec vous ma déchirure qui accompagne une fois encore ce projet ! Les premiers adieux prennent place ici et là avec ceux que j’aime et même si c’est programmé de revenir au printemps 2026 avant de prendre la décision de « tout lâcher », vider complètement notre appartement et se défaire de nos petits biens que nous ne pourrons emporter, même si, la décision n’est pas encore prise car j’ai besoin de ces 6 prochains mois pour faire le pas, même si, cela ne sera jamais un départ sans retour, car si Dieu le permet, nous reviendrons autant que possible revoir tous ceux qui nous attendent, notre lieu de résidence principale est désormais à Capesterre-Belle-Eau, mon cœur est déjà là-bas, tout en le laissant ici parmi vous, parmi tous les miens, entre lacs et montagnes qui m’ont vue naître, entourée de mes 3 grandes sœurs, qui prennent de l’âge, tous mes enfants et petits-enfants et vous tous qui nous laissez partir en nous bénissant, étant simplement heureux pour nous : vous vous reconnaîtrez et surtout n’oubliez jamais cela : Vous me manquerez toujours !
Rien ni personne, aucune couleur, aucune saveur, aucun paysage ne saurait prendre votre place dans mon cœur qui n’est pas divisé et vous y aurez toujours votre place où que nous soyons les uns et les autres !
Merci – Merci – Merci
A bientôt donc !
23.08.2025/Tine
Avec ce nouveau départ, tu as retrouvé ta plume qui te redonnera des ailes pour découvrir et faire découvrir ton île, ton archipel et tes Antilles.
Tes racines vont s’enfoncer encore plus profondément dans ta Guadeloupe.
Ton mari qui t’aime.
Merci mon mari.
Un jour tu m’as dit quelque chose comme: « voici ton île,c’est ton cadeau de mariage 💒 »
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