Voyager, c’est quoi ?
La question s’impose, voyager c’est quoi ? Partir pour partir, sans but précis ? A La recherche de sensations nouvelles, fuir le présent ? Prendre la route, à pied, à cheval, en cariole sur un sentier de terre, Embarquer à bord d’un paquebot, d’un avion, ou d’une auto… Peu importe, pour moi ça commence par sortir de chez soi !
C’est déjà un voyage, changer d’horizon, de l’autre côté de la rue, c’est … aller vers l’autre…
Au moment de reprendre mon Carnet de Route, la tentation était grande de décrire dans le détail mon plus « grand » voyage, aussi bien par son aspect relativement exceptionnel, que long, lointain et peu commun pour une jeune femme de 19 ans…
A 10 ans, j’ai eu le privilège de découvrir le Sud de la France pour un mois de vacances de remise en forme au bord de la mer, après une une épidémie de poliomyélite. En 1959, c’était un exploit pour une gamine, fille d’ouvriers et ce fut ma première expérience de partage avec une famille étrangère, parlant la même langue que moi, avec un accent fort différent du mien… (!)
A 15 ans, j’ai décidé de prendre le train pour aller rendre visite à ma famille dans le Canton du Valais – toute seule – sans mon père qui nous y emmenait lorsque nous étions enfants, pour voir notre grand-mère que nous connaissions si peu. C’était déjà de véritables voyages, chargés d’aventures et de souvenirs mémorables, embarqués dans la voiture du mari de ma sœur aînée, le « seul motorisé » de la famille. Nous y étions à 8 dans cette vieille berline américaine décapotable ! Quelle merveilleuse sensation de liberté, les cheveux dans le vent pour parcourir moins d’une centaine de kilomètres, et que de fous-rires lorsque l’orage s’est invité sous la toile de la capote percée !
Bien différent fut donc mon premier voyage en solitaire pour aller à la rencontre de ma famille paternelle, me rapprocher de mes cousines et la délicieuse expérience d’être reçue avec tant de bienveillance par mes tantes avec lesquelles j’ai eu beaucoup de bonheur de les voir rire aux éclats en évoquant pour moi leurs souvenirs d’enfance.
L’année suivante, je m’enhardis à prendre le train vers l’autre coté de la frontière et traverser la France d’Est en Ouest pour passer une semaine chez une amie à Bayonne, puis rentrer par le Lot et Garonne retrouver des amis.
Autant de plaisir à retrouver mes amis que de découvrir cette France, dont je ne connaissais que les communes voisines à deux pas de mon domicile pour y acheter du bon pain français !
A 18 ans, c’est l’Espagne, ce magnifique pays, qui s’est « offert » à moi avec tout ce que cela pouvait comporter d’émerveillement mais aussi de chocs culturels, non seulement liés à la langue, à la politique (sous Franco), mais bien plus encore, aux rythmes variés du quotidien, venus chambouler les bases de mon éducation helvétique où la ponctualité des heures de repas, la régularité des heures de sommeil, et bien d’autres choses encore avaient été posées comme un fondement inhérent au « bienséant, bien-fondé, bien-pensant, bien-vu, bienvenu et j’en passe !
Et, de loin s’en faut, ce fut un réel plaisir et sans aucune difficulté que jusqu’à ce jour, je n’ai de cesse d’adopter cette liberté, autant que faire se peut, « dormir, vivre, boire et manger » à l’heure espagnole, comme disait ma mère !
Dès lors, « voyager », s’est tout naturellement imposé à moi comme synonyme de rencontres avec « l’autre », d’autres personnes, comme d’autres paysages, d’autres habitudes, d’autres nourritures, d’autres visages, d’autres accents, d’autres horizons tant physiques, matériels, relationnels que spirituels.
Et oui, mon Carnet de Route ne suivra certainement pas de lignes directes vers une quelconque destination, mais bien plus des « flash » chargés d’émotions, ressentis, formés par un banc de sable du Sahara, un sourire du Burkina, des yeux embués de larmes en Guadeloupe, d’une fête de clôture du Ramadan… et… de multiples couchers de soleil des 4 horizons !
S’envoler vers les Terres Québécoises ou rouler vers le Sahara, sont du même ordre, empreint des mêmes émotions partagées entre l’urgence d’arriver et l’émerveillement de tout ce que le chemin pour y arriver comportera aussi bien que la route du retour « chez moi », comme si j’en redécouvrais toute la richesse.
Partir … pour mieux revenir ai-je souvent affirmé !
Avec le recul, je me rends compte en posant ces mots sur mon écran, qu’en 1968, l’idée du voyage était d’un tout autre ordre qu’en ce 21e siècle. On trouvait diverses sortes de voyageurs :
De riches personnages s’offrant le luxe de découvrir le monde pour des raisons qu’eux seuls pourraient énumérer, à but commercial, loisir, ou simple évasion pour échapper à la monotonie dont je ne saurais être ni juge, ni parti, ayant aucune idée de ce qui pouvait se tramer dans leurs vies les expédiant aux 4 coins du monde.
D’autres, n’étaient que de « simples fous », sans autres but que d’avancer vers une destination qui leur offrait des horizons plus justes, déconnectés, dirions-nous aujourd’hui, branchés vers un ailleurs, rêvant d’un autre monde inconnu où le meilleur semblait plus accessible, où l’argent n’était plus leur maître…
Sans être anarchiste, ni révoltée, ni idéaliste, juste animée du désir de découvrir autre chose, je faisais partie de tous ces voyageurs, même si mon but n’était autre que de me rendre utile auprès de ceux qui avaient besoin de mes petites mains et de mon cœur.
Mais à quoi peut bien penser une fille de 19 ans, au volant d’une 4L, en regardant son père dans le rétroviseur, lui lancer un dernier signe de la main, avec pour seuls points de repère sur une carte routière du monde :
Genève – Baïbokoum (Tchad)
Inquiétude, non… angoisse, surtout pas… mille questions, même pas…
Le Tchad.
Ce grand pays faisait « partie de ma vie » depuis plusieurs années. A force d’en regarder des photos, voir des films – très amateurs – c’est comme si je n’avais rien d’autre à faire que de rouler, rouler, rouler pour en faire désormais réellement partie, non plus dans mon cœur, dans mon esprit, mais y déposer mes pieds, palper de mes mains, regarder de mes yeux, et me laisser prendre aux tripes, par tout ce que j’allais enfin voir de mes propres yeux.
Mon cœur y était déjà, il ne me restait plus qu’à y poser les pieds.
Le seule mot « Tchad » évoquait déjà ma maison, là où je poursuivrai ma « formation de femme », partie pour un minium de 3 ou 4 ans, une seule chose comptait : y arriver, via le mode « route » qui s’était imposé comme étant le meilleur marché. Je ne savais pas encore que j’allais tout droit vers de magnifiques aventures, mais également au-devant de mésaventures, déceptions, désillusions…
Ce qui est bien quand « on part » … c’est que la plupart du temps on ne peut prévoir que très approximativement « quand on arrive » …
Perso, franchement je trouve que c’est un véritable cadeau divin, que de ne pas tout savoir à l’avance, car on cesserait de vivre, et parfois même de se lever de son lit car LE premier pas du voyageur, se révélerait impossible.
Voyager, c’est larguer les amarres.
Prendre la route, c’est ouvrir une autre page de la vie.
Partir, c’est ne pas vouloir rester sur place.
Quelle phrase stupide, à première vue… (!)… Et pourtant :
Combien de gens « partent » à contre-cœur, par obligation, que ce soit pour aller à l’école, au travail ou fuir une situation dangereuse, combien d’entre nous, n’aurions-nous pas, une fois ou l’autre « payer pour rester » ?
Pour moi, heureuse privilégiée d’être née dans un pays libre, partir en voyage a toujours été mon choix, ma décision, et très souvent comme un rêve que je croyais impossible et qui m’a conduite dans des lieux et à des moments où je n’osais même pas y penser !
Retrouver mes parents, mes sœurs après un périple malheureux,
Partir à Philadelphia (USA) pour y suivre un cours d’anglais intensif,
Retourner au Burkina Faso après 10 ans d’absence,
Quitter la ville pour m’installer dans ma « maison du bonheur »,
Me retrouver à l’aéroport de Montréal pour assister au mariage de mon fils, puis y retourner pour la naissance de mes petits-enfants, y fêter un diplôme et d’autres événements…
Découvrir la Guadeloupe, île lointaine aux hôtels de luxe réservés aux riches touristes et plonger dans « sa vraie vie » de l’intérieur… y revenir la moitié d’une année à l’heure de la retraite, d’où je pose ces mots en ce moment…
Tous ces voyages ont été le fruit de véritables miracles circonstanciels qui se sont réalisés…
Alors, vouloir partir, est-ce vraiment le cas de tous les voyageurs à travers les âges sur notre vieille terre ?
Assurément pas !
18 avril 2020… à suivre…
Oh que c’est beau ! Merci pour ce voyage que tu nous proposes de façon virtuelle certes, mais qui nous permet de nous envoler avec toi vers ces contrées si lointaine et… inconnues !
Merci mon petit ! 😘
Merci ma Mimi !
Quelle Belle Plume ! C’est un plaisir pour le coeur ! J’aime te lire 😊
Tendrement,
Elvire 💖
Excellent texte, bien écrit et qui décrit bien ton ressenti ! J’ai toujours aimé voyager; c’est formateur et ça ouvre ton coeur et ta tête sur de nouveaux horizons…
Merci pour ces mots 😊
Merci à toi de m’avoir lue et honorée de ton commentaire❤